Aux confins d’un désert immense,
Perdu sous le cercle polaire,
Qui se transforme en mer de glace,
Lorsque reviennent les hivers,
Des monts semblables à des banquises,
Jettent leurs ombres dans la mer,
Et se figent et se paralysent,
Dans la blancheur crépusculaire.
Ici se mêlent l’espérance,
La désolation, la colère.
Et toutes les traces s’effacent,
Lorsque reviennent les hivers.
Ici les volontés se brisent,
Comme du cristal ou du verre,
Et se figent et se paralysent,
Sur ces étendues solitaires.
Au bas des tristes contreforts,
Surplombant la ville minière,
Où glissent de blanches aurores,
Lorsque reviennent les hivers.
La mine fait comme une tache,
Une cicatrice, un cratère,
Un puits taciturne, une cache,
Où disparaît toute lumière.
C’est un gouffre. C’est une porte
Cernée de brumes lactescentes.
Plus sombre qu’une étoile morte,
Plus noir’ qu’une éclipse géante.
C’est le royaume de la nuit,
A mille mètres sous la terre,
Où tout espoir s’évanouit,
Lorsque reviennent les hivers.
Dans ces profondeurs anthracites,
Aucun soleil ne nous éclaire.
Aucun écho sous le granit,
Que le silence de la pierre.
Ici nous creusons de nos mains,
Dans la roche, dans la poussière.
Plus de ciel, plus de vie, plus rien,
Lorsque reviennent les hivers.
Sans limites est cette prison.
Ce labyrinthe où l’on se perd.
C’est comme un abîme sans fond,
Que des siècles auraient recouvert.
Sans limites est cet horizon,
Où disparaît toute matière,
Où s’effondrent les illusions,
Lorsque reviennent les hivers.
Le jour s’écoule en clairs-obscurs,
Comme une insondable rivière.
Le soir, la montagne murmure,
Une silencieuse prière.
Alors dans nos regards tournés,
Vers ces glaciers pleins de mystères,
Ce sont tant de questions posées,
Lorsque reviennent les hivers.
Sommes-nous sur cet échiquier,
Des pions gouvernés par des fous ?
Des ombres aux futurs effacés,
Des pions avec lesquels on joue ?
Demain entendra-t-on encore,
Nos complaintes vibrer dans l’air ?
Entendra-t-on le chant des morts,
Lorsque reviendront les hivers ?