Je longe un chemin caillouteux bordé de broussailles, une voie d’accès parmi de nombreuses pour atteindre l’une des sept merveilles du monde. C’est l’apothéose de mon voyage et j’ai hâte d’y arriver ! Un petit sentier, quelques marches. Enfin, je la foule de mes pieds. Je contemple le saisissant panorama et l’immensité de la forteresse qui se déroule devant mes yeux. J’en ai le souffle coupé !
Des milliers de touristes de tous âges cheminent, descendent ou montent, se croisent sur son parcours démesuré. D’autres se contentent de quelques pas sur l’esplanade où je me trouve et redescendent dans la vallée par la voie d’accès. Je regarde la pente raide au dénivelé vertigineux qui monte devant moi, avec des marches escarpées, de hauteur inégale, hérissées de pierres biscornues et qui mène à une tour de garde en haut de la colline. L’effort me paraît très dur, mais l’envie me tenaille de gravir, arpenter, parcourir cette incroyable fortification et découvrir le panorama de là-haut.
J’entame l’ascension, encouragée par des compagnons de voyage. Sans mot dire, je monte vingt marches, puis m’assieds un instant, puis vingt encore, autant de fois que nécessaire. Montée abrupte, lutte ardue. Le vent souffle, glacial. Je noue mon foulard autour du cou et ferme ma veste.
Me voilà arrivée au sommet convoité. Le souffle apaisé, à l’abri du vent, victorieuse. L’émotion m’étreint. Aussi loin que mes yeux peuvent l’observer, elle serpente sur le haut des crêtes, jalonnée de ses fortins à intervalles réguliers. Elle est faite de pierre, de ciment, de terre, de briquettes d’argile et de mortier à base de farine de riz. Elle serait la plus longue construction humaine au monde et le cimetière de millions d’ouvriers morts pendant les travaux.
Je peux maintenant redescendre. Stupeur ! Aucun chemin d’accès pour la vallée n’existe à cet endroit. Il faut continuer. Deux montées vertigineuses encore ! Ou faire demi-tour. Option utopique, tant le dénivelé m’impressionne. Je continue mon périple qui se termine par l’escalade périlleuse d’une échelle. Ouf, je suis saine et sauve.
Je tends mon portable à un touriste indigène qui immortalise ma prouesse. Il sourit et désigne avec malice ma casquette noire, ornée d’une étoile rouge à cinq branches. Elle m’a protégée de toutes les vicissitudes de la journée et mon exploit m’autorise à porter fièrement le couvre-chef du plus grand révolutionnaire de tous les temps.
La nuit tombe. Les réverbères s’allument et tous les regards pointent vers le ciel. Un long serpent lumineux se déroule là-haut sur la montagne, perpétuant la présence de la Grande Muraille de Chine. Je l’admire une dernière fois et ferme les yeux.