Qu’est-ce que je faisais mercredi soir ? Ben, comme à notre habitude, j’étais au 6ème chez Madame Lopez, pour notre soirée de Poker Whisky. Cela fait cinq ans maintenant que nous avons notre petit rituel. Nous sommes cinq veuves de l’immeuble à nous retrouver chez Begoña. Etes-vous déjà passés chez Madame Locatelli, la veuve du 3ème ? Elle vous confirmera que nous étions toutes présentes. Et croyez-moi, quand on se réunit, on nous entend dans tout l’immeuble. D’ailleurs, nos rires ont déjà fait les frais d’une visite d’un de vos collègues, mercredi dernier. Tapage nocturne ! Franchement, à 22h03. C’est un peu pousser le bouchon par les cheveux comme on dit. Encore un coup de la vieille bique du cinquième. Alexandra Martin Du Pan. Elle n’a jamais supporté que l’on s’entende si bien entre veuves. Ça n’est pas de notre faute si elle fait partie d’un autre groupe de femmes. Vous voyez ce que je veux dire, Monsieur l’agent ? Mais oui, ces femmes aux mœurs légères comme leurs tenues. Les cougars qu’elles se font appeler. Si ce n’est pas malheureux, je vous jure. Si mon Thomas voyait cela d’où il est, il se retournerait des nues comme on dit. Mais voui, la Martin Du Pan on l’a souvent vue avec des p’tits jeunes de vingt ans de moins qu’elle. Elle est restée dans les années 80. Sauf qu’aujourd’hui, la mini-jupe ras le pompon et le bleu criard sur les paupières tombantes ça fait carrément vieille pute sur le retour. Pardon du terme, mais ça n’est pas à vous qu’on apprend à faire le vieux singe comme on dit. N’est-ce pas Monsieur ? Monsieur comment ? Leclerc ! Enchantée, appelez-moi Angelica. Est-ce que je vous sers un verre de whisky ? Ah, non, jamais pendant le service, avant 10h00 du matin. Ne faites pas attention au désordre. C’est mon jour de lessive et je laisse sécher mon linge un peu partout. D’ailleurs, je dois aussi me battre avec les heures de la chambre à lessives avec cette poufiasse d’Alex. Non seulement elle empiète sur mon créneau horaire mais, en plus, elle oublie toujours une pièce dans le tambour et c’est chiant ! Je demande ainsi au Seigneur de me donner la patience parce que s’il me donnait la force, c’est sa tête que j’enfermerais dans le tambour. Enfin, je dis ça pour dire. Vous me comprenez Inspecteur, c’est juste une façon de parler. Revenons à nos boutons comme on dit. C’est horrible cette histoire, mon dieu ! Pourtant on aurait dû entendre quelque chose, car la chaudière se déclenche tous les soirs à 19h00 et Begoña était justement descendue à la cave qui se trouve à côté. Vraiment étrange votre affaire. Comment dites-vous que s’appelait la victime ? Paul Kachourne ? Non, je ne le connaissais pas. Quel âge ? 47 ans ? Ah ben, on est pile poil dans la tranche d’âge préférée de la vieille Alex. Laissez-moi deviner. Il était soit sapeur-pompier soit policier. Boxeur ? Ah ben oui, bingo ! Un boxeur bien bâti ! C’est qu’elle les aime bien foutus, la bougresse ! Avec les copines, on s’est dit qu’elle doit dépenser un patrimoine en Botox, coach sportif et lingerie olé olé. D’ailleurs souvent, je retrouve de ces trucs dans la buanderie. Et bien, vous savez quoi ? Tant pis pour elle. Je me suis faite une petite panoplie de petit boudoir à ses frais. Et toc ! L’autre jour c’était carrément une nuisette en dentelle de chez Aubade. Un vrai bijou ! Ah si mon pauvre Thomas était encore en vie. Je lui aurais fait un remake du film « 9 semaines et demie ». Mais bon il est mort. L’an dernier, une chute malheureuse dans la buanderie. On a jamais compris. Il aimait bien faire la lessive, mon Thomas. Parfois ça lui prenait un temps fou. Il se justifiait en m’expliquant qu’il aimait bien prendre le temps de soigneusement trier le blanc des couleurs et les gris clairs des gris foncés. Ce que je n’aimais pas trop c’est qu’il échangeait des pénalités comme on dit avec qui vous savez. Des futilités, qu’il me disait. Mais je ne supportais pas de le savoir au courant de la couleur des dessous de cette garce. Surtout que mon Thomas aimait bien sa lingerie… tout comme Paul d’ailleurs !