Tu le regardes, il est posé sur la table du salon, le livre que ton grand frère a reçu pour ses 10 ans. Tu aimes sa couverture : une grosse fusée à carreaux rouges. Tu n’as que 5 ans, mais tu connais déjà quelques lettres de l’alphabet et tu pourrais bien avoir le droit de lire des livres, comme ton grand frère. Mais voilà, c’est le lot des plus petits : attendre d’être plus grand.
L’envie de regarder dans le livre est trop forte. Tu le saisis avec tes deux mains, il est large, il est encombrant, tu le poses par terre.
Tu l’ouvres. Tu admires tous les portraits des personnages sur fond bleu. Ils sont drôles, tu les dévisages.
Sur la page suivante, le récit commence. Tu connais le nom du héros, c’est Tintin. Ton frère te l’a dit maintes fois.
Tu regardes les images et tu construis ta propre histoire. Tu es un peu déçu de voir tant de dessins et si peu d’écrits.
Est-ce que l’on t’aurait menti ? L’interdiction de toucher ce livre ne serait pas la conséquence de ton ignorance ! Il y a une autre raison et elle t’est inconnue.
Tu te sens trompé, tu es fâché de ne pouvoir partager les jouets avec ton frère. Ce n’est pas marrant d’être le petit.
Alors, tu vas chercher tes crayons de couleur, ceux avec lesquels tu colories tes albums de dessins.
Tu rouvres la bande dessinée et sur chaque page, consciencieusement, tu fais deux traits, comme un grand X, en utilisant toutes les couleurs de ta boîte.
Tu te sens mieux à présent, tu reposes le livre sur la table basse et tu retournes dans ta chambre, ta boîte de crayons sous le bras.