Le verre d’eau déplorait
Le dédain que lui portait
Un client fort aviné
Buvant un vin bouchonné.
Pour tenter de rétablir
L’honneur de son élixir
Il proposa au caviste
Un marché immoraliste.
« Je vous promets une prime
Pour vengeance légitime
De ma gloire bafouée
Si mon vœu vous exaucez ».
L’employé indélicat
Sans hésiter accepta.
Arborant large sourire,
Il déversa, le satyre,
Une poignée de sel fin
Glissée au creux de sa main,
Sans embarras ni vergogne,
Dans le verre de l’ivrogne.
L’effet fut instantané,
Le soulard dut rejeter
Avec spasmes et soubresauts
Son foie en méli-mélo.
L’ivrogne se mit à geindre,
Se lamenter et se plaindre
Pour qu’on lui apporte un verre
De cette eau qui désaltère.
Le verre d’eau rancunier
C’est là son moindre défaut
Dit au soulard tout de go
« Suis-je donc un bénitier ?
Vous voulez mon pur breuvage
Pour vous sauver du naufrage !
Vous préfériez le Pinot ?
Et bien vous n’aurez pas d’eau ! »