Mon arbre (Catherine Venturi Pinton)

 

Il se tient devant la maison, le pommier de mon enfance. Ses branches s’écartent de son tronc comme les doigts d’une main. Son feuillage dessine une ombre agréable sur le sol. C’est là où, l’été, chacun vient chercher la fraîcheur. Le vent chante dans ses branches et caresse ses fruits, de belles pommes rouges, au goût sucré. Souviens-toi, mon arbre, des tartes aux pommes que nous dégustions au goûter.

Je te retrouve avec ce tronc rugueux que j’aimais toucher, palper. J’avais la sensation d’entendre battre ton cœur. Autour de ta branche la plus basse, nous avions enroulé une corde pour notre balançoire. Tu en portes encore les stigmates. Pardonne nos jeux d’enfants, mais nous étions tellement heureux de sentir le vent dans nos cheveux. A chaque balancement, nos pieds tentaient de toucher tes feuilles les plus hautes. On riait, t’en souviens-tu ?

Je te revois aujourd’hui, comme autrefois. Le temps ne t’a pas abîmé. Tu te serais même encore davantage déployé. Ton envergure est plus large et tes fruits toujours aussi lourds.

Te souviens-tu des secrets que je te murmurais ? Des chagrins que je te confiais ?

Aujourd’hui, je retrouve la maison de mon enfance. Cela fait tant de temps passé sans que je sois venue. Il me semble que tu m’attendais, prêt à m’accueillir dans tes bras noueux.

Je te respire. Me fortifier encore à ton contact.

Elle est vendue la maison, et toi avec elle. J’ai de la peine à imaginer ne plus te revoir, ne plus pouvoir te serrer contre moi.

C’est un adieu, mon arbre, cette fois je ne pourrai plus revenir.

Je garde en souvenir cette photographie où je pose avec toi. C’était l’été de mes 10 ans. Je revois les chars remplis de foin, la table dressée près de toi.

Entends-tu encore nos paroles d’alors ? Notre joie d’être dans ce paysage majestueux ?

Nous ne reviendrons plus, comme chaque été.

Garde au fond de toi ces jours heureux.

Reste ainsi avec tes racines libres et tes branches fortes.

Continue à donner ton réconfort et tes pommes. D’autres enfants viendront. Tu sauras les protéger.

Au bout du chemin, je me retourne une dernière fois. Ta silhouette, au milieu du grand pré, me rassurera encore longtemps.

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