Vaillant messager
D’où viens-tu ? Où étais-tu donc avant de reposer sur ce rivage devant mes pieds ? Tu ne réponds pas. Et si je te pousse un peu dans cette flaque. Oh ! Tu brilles, tu te sens mieux on dirait. Alors vas-y, raconte ! Raconte tes origines, raconte tes débuts, ta naissance. Dans les Alpes peut-être, aux tréfonds des couches granitiques, dans la terreur des blocs et des rocs fondus, soudés pendant des millénaires, se mouvant imperceptiblement dans une danse verticale, irrémédiable, éternelle.
Tu souffrais dis ! Oui, bien sûr ! La pression tectonique n’est-ce pas ?
Et puis la surface, l’air frais, la lumière, enfin !
Comment étais-tu alors ? Tu n’as pas toujours été caillou lisse et poli comme maintenant, tu n’as pas toujours brillé au soleil. Il y a eu d’abord le torrent… ou non, plutôt le glacier. Pas drôle n’est-ce pas ? A peine éclos de la roche mère, à peine né des profondeurs minérales, te voilà à nouveau comprimé, broyé, ciselé, charrié. Après des siècles de glace et de neige, le torrent fougueux et libérateur t’emmène pour le grand voyage. Chocs avec les rives, chocs avec les autres , eau qui ruisselle, eau qui transporte, qui bouleverse, qui tourmente, qui mord, qui ronge. Combien de temps encore avant d’arriver sur cette plage ?
Du fond des âges, te voilà devant moi pour m’interpeller sur l’aurore du monde, sur les années qui consument, sur l’éphémère de mon existence, pour me crier ton bonheur à toi d’être là, gentiment bercé par les vaguelettes, comme caressé par le lac.
Salut donc à toi, vaillant messager des temps immémoriaux. Précieux témoin du temps qui passe.