Assise devant sa tasse de thé, elle en a marre rien que d’y penser, ses yeux se perdent dans le vague. Découragée, elle vide sa tasse avec lenteur. Elle n’a pas envie de s’y mettre, pourtant va bien falloir, ce n’est pas sa voisine qui va lui proposer de faire son ménage. Elle dépose sa tasse dans l’évier, ouvre le placard à balai, sort une patte à poussière. Avec douceur, elle essuie les meubles. Elle sort ensuite le monstre du placard, cet horrible engin qui aspire la poussière dans un vacarme épouvantable. Elle parcourt l’appartement méthodiquement, se courbe pour les coins et les dessous de meubles, s’étire pour faire disparaître les toiles du plafond. Son visage est cramoisi, des gouttes de sueurs s’écoulent le long de ses tempes. Elle range l’aspirateur, se sert un grand verre d’eau, soupire. Elle a encore tant à faire : nettoyer la baignoire, les WC, le lavabo, panosser. Ras le bol ! En plus, il faudra qu’elle recommence la semaine prochaine.
Le carillon de la porte retentit. Nadia se passe la main dans les cheveux et va ouvrir.
– Salut Nadia, comment tu vas ?
– Oh Laurette, j’avais oublié que tu devais passer, je suis en plein ménage.
– Ma pauvre, t’as pas la clé ?
– Quelle clé ?
– La clé enchantée. Depuis que Nicole me l’a donnée, je ne m’en sépare jamais. Si tu me laisses entrer, ton ménage sera terminé dans dix minutes.
Nadia m’ouvre grand la porte, je suspends ma veste au porte-manteau, je sors de mon sac à dos la grande clé cuivrée et la lui présente.
– Voilà « vite et clair » le bonheur de toutes les ménagères. Qu’est-ce qu’il te reste à nettoyer ?
– La salle de bains.
–Bien, alors, « vite et clair » a besoin d’une éponge imbibée de produit que tu vas poser dans le lavabo. Ensuite tu places « vite et clair « sur le rebord de la baignoire et tu lui demandes de nettoyer la salle de bains. Quand elle aura terminé, elle tapera trois fois contre la porte.
Cinq minutes plus tard, trois coups retentirent contre la porte, Nadia l’ouvrit. La salle de bains resplendissait, plus un poil dans la baignoire, plus aucune trace de calcaire.
Nadia, les yeux écarquillés, resta bouche bée.
– Veux-tu que « vite et clair » accomplisse autre chose ?
– Le repassage, c’est possible ?
– Bien entendu, tu installes la planche, tu branches le fer, tu poses la clé dans la corbeille à linge et tu demandes à « Vite et clair « de repasser. Tu dois toujours quitter la pièce où elle travaille, elle déteste se sentir observée.
Cinq minutes plus tard, trois coups retentirent contre la porte, Nadia l’ouvrit. Le linge de la semaine était repassé, plié et soigneusement rangé sur la planche.
Nadia, les yeux écarquillés, me demanda où est-ce qu’elle pouvait se procurer la même clé.
– Si tu veux vraiment une clé enchantée, tu dois le prouver. As-tu un placard à gourmandises ?
– J’en ai deux !
– Alors, tu vas réunir toute les gourmandises dans un seul placard, tu y placeras aussi « vite et clair ». Cette dernière, lorsqu’elle est seule et qu’elle s’ennuie, fabrique une autre clé pour se tenir compagnie. Le processus dure un mois, pendant cette période tu devras continuer à faire ton ménage et tu ne pourras pas ouvrir ton placard à gourmandises. Quand elles seront deux, les clés frapperont six coups à la porte du placard. Tu me rendras « vite et clair » et tu garderas la tienne à tout jamais.
Durant ce mois, sachant que ces corvées ne seraient bientôt plus qu’un mauvais souvenir, Nadia fit son ménage et son repassage avec plaisir. Son placard à gourmandises étant condamné elle ne grignota plus. Elle réussit à se glisser dans un vieux jeans de la pile « Si je ne peux pas l’enfiler l’année prochaine, je le jette ». Le trentième jour arriva, six coups retentirent à la porte du placard. Deux grandes clés cuivrées brillaient sur la deuxième étagère. Nadia me rendit « vite et clair » et fit travailler la sienne.
Le placard à gourmandises à nouveau disponible, les heures de ménage passées sur le canapé, le jeans reprit sa place sur la pile « si je ne peux pas l’enfiler l’année prochaine, je le jette ».